Allemagne : perspectives économiques au beau fixe avant les échéances électorales
EN BREF
- L’Allemagne a connu une performance économique remarquable sur l’année 2016 avec une croissance proche de 2% sur un an et près de 600 000 créations nettes d’emploi. Les indicateurs disponibles sur le début d’année s’inscrivent dans la continuité de cette tendance : la confiance des ménages et des entreprises se situe à un niveau élevé, les conditions sur le marché du travail restent favorables et le secteur de la construction fait preuve de vigueur. D’un point de vue économique, la visibilité semble donc plutôt dégagée sur la première partie d’année, d’autant que la conjoncture à l’échelle mondiale se veut un peu plus favorable.
- En 2017, l’évènement sera la tenue des élections fédérales, le 24 septembre prochain, pour le renouvellement des 630 sièges du Bundestag et du poste à la chancellerie. A. Merkel, qui dirige le pays depuis 2005, se présentera pour la quatrième fois devant les électeurs allemands. Les premiers enseignements des scrutins régionaux en 2017 donnent un léger avantage au Parti CDU/CSU d’Angela Merkel mais le niveau des intentions de vote en faveur de son principal rival, Martin Schulz, et le jeu des coalitions pour obtenir la majorité n’excluent pas la possibilité d’une alternance ou de nouveau la formation d’une grande coalition (CDU/SPD).
Un début d’année 2017 dynamique
Tout au long de l’année 2016, l’économie allemande a confirmé sa bonne tenue, avec une progression du produit intérieur brut (PIB) de 1,8% par rapport à 2015. La physionomie de cette croissance avait toutefois légèrement changé : plus inclusive et moins dépendante des échanges extérieurs. Ce renforcement de la demande intérieure avait trouvé sa source dans l’accélération des dépenses du secteur public et de l’investissement du secteur de la construction résidentielle, tous deux en croissance de 4% sur un an (graphique ci-contre).

Sur le 1er trimestre, la croissance du PIB a accéléré par rapport au trimestre précédent (+0,6%) et montré une composition robuste et équilibrée. En effet, les dépenses d’investissement, de consommation et la balance commerciale ont apporté leur pierre à l’édifice (graphique ci-contre). La moindre contribution des dépenses des ménages a notamment été compensée par un sursaut de l’investissement, en particulier très dynamique dans le secteur de la construction (+3,8% de trimestre à trimestre).
Après une modération en 2016, les exportations en volume se sont reprises assez nettement au 1er trimestre (+1,3%) en accord avec les publications mensuelles de la période. Dans un contexte où les relations commerciales dites déséquilibrées font l’objet de plus en plus de critiques (administration américaine, Commission européenne), l’économie allemande fait figure de cible idéale en raison d’un excédent de son solde commercial proche de 7% de son PIB (graphique ci-contre), d’autant plus que malgré les initiatives et les progrès réalisés pour renforcer la demande domestique (introduction d’un salaire minimum, accroissement des dépenses publiques pour faire face à l’afflux des réfugiés), elle demeure toujours très compétitive sur le plan extérieur.

Les indices de confiance publiés récemment fournissent quelques indications utiles dans une lecture prospective. Ces indicateurs sont unanimes sur l’orientation favorable du climat des affaires et le renforcement de la confiance des entreprises (graphiques ci-contre). Les enquêtes de confiance ZEW, adressées chaque mois aux analystes, font état d’une appréciation très favorable sur la situation économique présente (plus de 80% des sondés ont une bonne opinion des conditions économiques actuelles). L’indice portant sur les perspectives d’activité à 6 mois est plus nuancé mais toutefois encourageant pour la deuxième partie d’année. L’enquête IFO, publiée par l’institut allemand, renvoie le même message que l’indice ZEW avec, mois après mois, une consolidation de l’optimisme des chefs d’entreprises. Enfin, l’indice des directeurs d’achat PMI du mois de mai signale, lui aussi, des conditions d’activité (production, nouvelles commandes, emploi) au plus haut depuis début 2011 dans le secteur manufacturier.
Des fondamentaux structurels solides : le marché du travail et l’équilibre des finances publiques
Au-delà du niveau de confiance qui rassure sur le plan conjoncturel, c’est surtout l’analyse des fondamentaux structurels qui renforce notre appréciation positive de l’économie allemande.
Premièrement, les progrès sur le marché du travail ont été substantiels depuis 2010. Sur la période, le taux de chômage est passé de 8% à 5,8% de la population active selon les chiffres de la Bundesbank (graphique ci-contre). En parallèle, les créations d’emploi ont progressé à un rythme régulier de 50 000 personnes par mois tout au long de l’année 2016. De plus, l’introduction d’un salaire minimum au 1er janvier 2015 n’a nullement infléchi cette tendance. Ce dernier a, par ailleurs, été revalorisé au 1er janvier de cette année, à 8,84 euros bruts de l’heure (contre 9,67 euros en France).

Sur les 780 000 emplois créés entre le 1er trimestre 2016 et 2017, nous constatons que plus d’un tiers concerne des emplois dans le secteur public, de la santé et de l’éducation (278 000 embauches et une croissance annuelle inédite depuis 1990), suivi dans l’ordre décroissant par les services aux entreprises (198 000) et les activités de commerce, de transport et de restauration (159 000). Le secteur immobilier et de la construction, dont l’amélioration s’étend aux chiffres d’investissement, de distribution de crédits hypothécaires, ainsi qu’aux prix et loyers des habitations, a créé près de 50 000 emplois depuis 2016. A contrario d’une partie de ces partenaires européens, l’économie allemande continue de créer des postes dans l’industrie (hors construction) à hauteur de 41 000 personnes sur la période évoquée précédemment. Enfin, deux secteurs voient leur nombre d’employés s’inscrire en baisse : le secteur financier et des assurances ainsi que l’agriculture au
Le caractère positif de ces données milite à terme pour un accroissement des pressions sur les salaires reflétant une situation plus tendue sur le marché du travail. Au 4ème trimestre 2016, la croissance des salaires avait atteint 3% sur un an pour l’économie tout secteur confondu (graphique ci-contre). Certaines activités, comme celles dans le secteur de la construction, de l’immobilier, du commerce et de la réparation de véhicules et dans la santé, ont connu une évolution des salaires un peu plus dynamique en 2016 (autour de 4% l’an).

Toutefois une analyse approfondie du marché du travail allemand ne saurait faire l’économie d’une approche plus structurelle sur des données relevant davantage d’une dimension qualitative que quantitative. Ainsi, selon les chiffres d’Eurostat, le nombre d’allemands exposés à un risque de pauvreté (défini comme les ménages gagnant moins de 60% du revenu médian - environ 950 euros - après transferts sociaux) atteignait 16,7% de la population totale. En cause, un marché du travail dont le niveau de précarité s’illustre à travers une part croissante d’emploi à temps partiel, qui représentait 26% de l’emploi total à fin 2016, contre 20% au début des années 2000, et une augmentation des contrats de travail atypiques (CDD ou mini-jobs).
Le deuxième point fort de l’économie allemande tient à la gestion de ces finances publiques et à la marge budgétaire à sa disposition. En effet, le budget du gouvernement est à l’équilibre depuis 2014 et présente un excédent annuel de près de 24Mds€ en 2016 (0,8% du PIB) dans un contexte où le montant des intérêts payés sur le stock de dette publique ne fait que décroître, passant de 52Mds€ en 2014 à 44Mds€ en 2016. Cet environnement budgétaire favorise donc une trajectoire descendante de l’endettement public (68% du PIB en 2016) vers le seuil référence de Maastricht (60% du PIB) qui pourrait être atteint sur la période 2019-2020.
Les élections fédérales à portée de vue
Le 24 septembre prochain se tiendront les élections fédérales allemandes, à l’issue desquelles sera constitué le nouveau parlement et sera nommé le nouveau chancelier. En lice pour ce poste, deux principaux candidats s’affrontent : Angela Merkel pour la CDU/CSU (Union Chrétienne Démocrate d’Allemagne et l’Union Chrétienne-Sociale en Bavière), qui brigue un quatrième mandat consécutif, et Martin Schulz, ancien président du parlement européen et candidat du parti social-démocrate allemand, le SPD (Parti Social-Démocrate).
La position d’Angela Merkel s’est quelque peu fragilisée sur les dernières années, en raison d’une posture contestée sur la gestion du flux de réfugiés entre 2015 et 2016. Cette baisse de popularité s’est traduite en 2016 pour le parti de la chancelière par un revers électoral dans la région Mecklembourg-Poméranie. Au-delà de la défaite de la CSU et de la victoire du SPD dans cette région, les résultats de l’Afd (Alternative pour l’Allemagne), le parti eurosceptique, qui s’est imposé comme la deuxième force politique de la région devant la CSU, fut l’élément marquant de ce scrutin.

La montée en puissance de l’Afd est un autre paramètre du scrutin national. Bien qu’il y ait très peu de chance de voir l’Afd venir perturber le duel annoncé entre M. Schulz et Mme Merkel, la progression des intentions de vote en sa faveur depuis mi-2015 est tout à fait remarquable.
Tandis que qu’à la mi-2015, moins de 5% des allemands se prononçait en faveur du mouvement, ce nombre approchait des 15% à la fin 2016, soit autant de voix captées sur l’électorat de Mme Merkel.
Sur le début de l’année 2017, la candidature de Martin Schulz fut le deuxième temps fort de cette période pré-électorale. Les intentions de vote en faveur du SPD ont alors bondi, et ont rendu de nouveau techniquement plausible une victoire d’une coalition entre le SPD et les Verts (Grüne) face à la CSU/CDU et à Angela Merkel (voir ci-dessus l’écart de voix entre les possibles coalitions).
Les récents scrutins régionaux ont néanmoins marqué un essoufflement de la dynamique positive engagée par le SPD, avec les défaites cumulées aux élections en Sarre en mars, puis en Rhénanie du Nord-Westphalie et dans la région Schleswig Holstein en mai. Une baisse de régime est également notable au travers des derniers sondages, avec le retour d’un écart confortable entre la CSU/CDU et le SPD.
Au-delà du poste de chancelier se pose la question de la formation d’une majorité parlementaire. A l’issue des dernières élections de 2013, la très forte baisse des suffrages en faveur du FDP (Parti Libéral Démocrate), partenaire de coalition régulier de la CSU/CDU, a conduit à la formation d’une grande coalition entre le parti de Mme Merkel et le SPD, et ce malgré la position dominante de la CSU/CDU qui avait remporté plus de 41% des suffrages (contre près de 26% pour le SPD). Au regard du score actuel du FDP, qui peine à dépasser le seuil des 5% nécessaire à la représentativité du parti au parlement, une alliance entre la CSU/CDU et le FDP ne permettra pas de dégager une majorité (plus de 50%). Il est alors vraisemblable que soit reconduite à la tête de l’Allemagne, pour la quatrième fois depuis 1949, une grande coalition entre la CSU/CDU et le SPD.
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Thomas Foicik et Frédéric Kleiss le 23 mai 2017
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