Chine : réunion du Congrès du Parti

Réaction économique
Asie

La réunion du Congrès du Parti Communiste Chinois qui a lieu tous les cinq ans a pour but d’élire les nouveaux membres du Comité Central, de passer en revue les prochains grands objectifs du Parti pour les cinq ans à venir, et d’apporter si besoin des changements à la Constitution de ce dernier.

Ensuite, les nouveaux membres du Comité Central élisent les membre du Politburo et le Secrétaire Général du Parti Communiste. Xi Jinping a été réélu à ce poste, mais si l’on en croit la composition du nouveau Comité Permanent du Politburo, son successeur n’a pas encore été désigné, contrairement à la coutume. D’autre part, Xi Jinping a été entériné comme un homme fort, au même titre que Mao et Deng, avec l’intégration de sa pensée et de son nom dans l’idéologie fondatrice du Parti. Le Congrès a également modifié (pour la première fois depuis plus de 30 ans) le défi qu’il devra résoudre, à savoir le développement déséquilibré du pays alors que les chinois ont un besoin grandissant d’une meilleure qualité de vie. Ce changement revient pour le Parti à reconnaître les risques auxquels la Chine est confrontée, et à s’engager à y apporter des solutions à l’avenir. 

Hiérarchie du Parti Communiste Chinois

« Lors de la réunion du Congrès, la Constitution du Parti a été revue afin d’intégrer la pensée de Xi dans l’idéologie fondatrice du Parti. La composition du nouveau Comité Permanent du Politburo semble indiquer que le successeur de Xi n’a pas été désigné »

Marie Thibout

Importance de la réunion du Congrès du Parti

La réunion du 19e Congrès du Parti Communiste Chinois, qui regroupe 2 000 délégués du Parti, s’est tenue du 18 au 24 octobre 2017. Cette réunion est emblématique. Elle a lieu tous les cinq ans et dure une semaine, pendant laquelle les grandes lignes politiques et économiques qui guideront le Parti Communiste Chinois pendant les cinq prochaines années sont passées en revue, tout comme les possibles changements à apporter à la Constitution du Parti Communiste. Ce rendez-vous est également important car à son issue, sont élus les membres du Comité Central (parmi les délégués du Congrès), l’un des plus hauts organes de décision en Chine. En pratique, les membres du Comité Central pouvant exercer un second mandat, le remplacement des principaux dirigeants a lieu non pas tous les cinq ans mais tous les dix ans. 

A l’issue de la réunion du Congrès, le nouveau Comité Central élit à son tour les membres du bureau politique chinois (Politburo), qui regroupe les 25 plus hauts dignitaires du pays. Parmi ces 25 personnes, 7 font partie du Comité Permanent, dont l’actuel Secrétaire Général du Parti Communiste, Xi Jinping, en poste depuis la fin d’année 2012. 

Lors de cette réunion, plusieurs textes sont passés en revue et votés, dont le rapport politique préparé par le Comité Central sortant, et présenté par le Secrétaire Général du Parti à l’ensemble des délégués du Congrès. Ce rapport évalue les travaux réalisés par le Parti sur les cinq dernières années, et annonce quelles seront les prochaines orientations à suivre sur les cinq années à venir. Il est issu d’un travail de longue haleine, qui dure de nombreux mois (voire une année), entre différents membres du Comité Central et du Politburo. Plus largement, de nombreux membres du Parti, du gouvernement ou de l’armée, sont également consultés. Ce rapport présenté par Xi Jinping au Congrès ne représente donc pas son opinion personnelle, bien que cette dernière soit évidemment importante et prise en compte (cf. partie III), mais bien une forme de vision consensuelle au sein du Parti. C’est pourquoi, les termes de ce rapport restent relativement généraux, afin qu’ils puissent laisser une certaine part à l’interprétation et à l’adaptation en fonction des situations.  

Rapport politique voté par le Congrès

Le rapport politique présenté par Xi Jinping a apporté des éléments nouveaux quant au futur de la Chine tel qu’envisagé par le Parti. En effet, selon ce document, la Chine est entrée dans une nouvelle ère : la principale « contradiction » à laquelle le pays doit désormais faire face réside dans le « développement déséquilibré » du pays alors que les chinois expriment un « besoin toujours grandissant d’une meilleure qualité de vie ». C’est la première fois depuis le début des années 80 que la Chine revoit la principale « contradiction » à laquelle elle est confrontée. Historiquement, cette « contradiction » est un élément important pour la conduite de la politique chinoise : c’est la formalisation d’un problème large qui devra être résolu pour maintenir la stabilité du pays et qui guide donc de ce fait toutes les orientations économiques et politiques du pays. Le précédent défi, énoncé au début des années 80 par Deng Xiaoping, concernait l’inadéquation entre les besoins des chinois et le niveau de production trop faible. De ce fait, le développement de la Chine depuis les trente dernières années a consisté à augmenter les capacités de production dans tous les domaines, ce qui explique la forte croissance de l’investissement, mais également de l’endettement. Ce changement de « contradiction » est la reconnaissance des déséquilibres existants : surcapacités de production dans certains secteurs, endettement élevé et croissant des agents économiques, montée des inégalités. Ce constat n’est pas nouveau, puisque dans les précédents plans quinquennaux ainsi que dans celui qui court actuellement jusqu’en 2020, les différents gouvernements ont mis la résolution des déséquilibres économiques à l’ordre du jour, et ce dès la fin des années 2000. Toutefois il est renforcé, puisqu’il est désormais également inscrit dans le rapport politique, mais surtout dans l’idéologie du Parti (cf. partie III). Dans la mesure où la précédente « contradiction » a été un élément qui a guidé le Parti pendant trente années, on peut imaginer l’importance de ce changement pour l’avenir de la Chine. 

Le rapport politique nous apprend également que le Parti vise un nouvel agenda ambitieux jusqu’en 2050 : après avoir réussi à créer une société « modérément prospère » d’ici 2020 (objectif datant du début des années 2000, impliquant un doublement du PIB et du revenu par personne entre 2010 et 2020, soit un rythme de croissance moyen sur les trois prochaines années qui devra être proche de 6,4%), le parti devra contribuer à moderniser l’économie d’ici 2035, puis travailler à faire de la Chine un « grand pays socialiste moderne », soit une très grande puissance mondiale.  Pour ce faire, le Parti explicite ses objectifs de base pour les cinq prochaines années. Par rapport au document soumis au Congrès en 2012, on peut constater qu’un accent plus fort est mis sur l’autorité du Parti dans tous les domaines, sur les chantiers à mener contre la pauvreté et la pollution, ainsi que sur le contrôle des risques et la réforme structurelle de l’offre (réduction des surcapacités dans certaines industries, modernisation du secteur industriel qui devra être plus performant, plus innovant, et à plus forte valeur ajoutée).

Concernant la politique étrangère, un rôle plus actif de la Chine sur la scène mondiale est envisagé, notamment via le développement des nouvelles routes de la soie (projet One Belt One Road). Plus classiquement, les réformes économiques doivent être poursuivies vers plus d’efficience et d’innovations technologiques. Enfin, si le rapport souligne aussi une volonté de mettre en place certains mécanismes de marché, ce point semble être moins prioritaire qu’en 2012, tout comme l’accent est moins fort en ce qui concerne l’importance de l’industrie des services et de la demande en provenance des ménages. 

Révision de la Constitution du Parti

Le Congrès a également voté un ajout à la Constitution du parti. Cette dernière contient la base idéologique de la réflexion politique du Parti, et définit des principes qui guident les travaux de ce dernier. Depuis 1982, l’idéologie fondatrice de la Constitution stipulait se baser sur le marxisme et sur le léninisme, ainsi que sur la pensée de Mao. Des ajouts ont ensuite été faits, notamment en 1997 pour intégrer dans l’idéologie fondatrice la théorie de Deng Xiaoping (à titre posthume), puis en 2002 pour y intégrer la « pensée importante de trois représentants », dont les apports de Jiang Zemin, Secrétaire Général du Parti Communiste en 1992 et 2002. En 2012 enfin, le Congrès a également rajouté « le concept du développement scientifique » au moment de la retraite de Hu Jintao, Secrétaire Général du Parti entre 2002 et 2012. Ainsi, chaque grand dirigeant chinois a souhaité imprimer sa marque à l’idéologie du Parti, afin d’être reconnu comme un contributeur innovant et significatif. Toutefois, seuls Mao Zedong et Deng Xiaoping étaient jusqu’à présent formellement nommés dans l’idéologie directrice de la Constitution.  Le Congrès reconnaît l’importance de la pensée de Xi Jinping pour le Parti, en ajoutant à l’idéologie fondatrice « la pensée de Xi Jinping sur la nouvelle ère du socialisme aux caractéristiques chinoises ». Nommé, Xi Jinping est donc élevé au même statut que Mao Zedong ou Deng Xiaoping, et au dessus de ses deux prédécesseurs Hu Jintao et Jiang Zemin. En effet, le Congrès du Parti aurait pu choisir d’intégrer ses pensées dans la Constitution sans pour autant les intégrer dans l’idéologie fondatrice. Il s’agit donc de la reconnaissance de l’importance et du pouvoir de Xi Jinping, d’autant plus que cet ajout a été fait pendant son mandat de Secrétaire Général. 

Formation du nouveau Politburo chinois

A l’issue de la réunion du Congrès, les nouveaux membres du Comité Central ont également élu les 25 membres du bureau de politique chinois (Politburo). Parmi le Comité Permanent, Xi Jinping, l’actuel Secrétaire Général du Parti a été réélu, tout comme Li Keqiang, l’actuel Premier Ministre chinois, déjà présent dans le Comité Permanent précédent. Cinq membres ont été remplacés, après avoir atteint l'âge de la retraite. Les 5 nouveaux venus proviennent d’horizons différents. Li Zhanshu, à la tête de la Direction Générale du Comité Central, qui gère les affaires administratives de ce dernier est vraisemblablement proche de Xi Jinping, pour avoir travaillé avec lui dès le début des années 80. Parmi les autres membres, on compte Wang Yang, actuel vice-premier ministre, Wang Huning, théoricien du Parti Communiste, Zhao Leji, qui a dirigé le Département de l’Organisation du Parti Communiste ainsi que Han Zheng, l’ancien Secrétaire du Parti Communiste de Shanghai.  Tous les membres du Comité Permanent du Politburo ont entre 60 et 67 ans. De par leur âge, aucun d’entre eux ne pourra être le prochain successeur de Xi Jinping. En effet, habituellement, avant d’accéder à la tête du Parti, un Secrétaire Général a servi 5 années au Comité Permanent du Politburo. De fait, il doit donc entrer au Comité Permanent suffisamment jeune (c’est-à-dire avoir moins de 60 ans), afin de pouvoir réaliser ses deux mandats consécutifs en tant que Secrétaire Général et Président de la Chine avant d’atteindre l'âge de la retraite. Il s’agit d’un accord tacite au sein du Parti, instauré au début des années 2000, stipulant que seulement les dirigeants de 67 ans ou moins peuvent rester en fonction ou accéder à des postes plus élevés au moment du renouveau politique qui a lieu tous les cinq ans, tandis que ceux qui ont 68 ans ou plus doivent se retirer de la vie politique. Le prochain successeur de Xi Jinping semble donc n’avoir pas encore été désigné. Est-ce le signe que ce dernier brigue un troisième mandat en tant que Secrétaire Général du Parti communiste ? 

A l’issue du mandat du 19e Congrès du Parti Communiste dans 5 ans, en 2022, Xi Jinping aura 69 ans, et devrait donc se retirer selon la règle implicite du Parti. Il est intéressant de noter que les spéculations allaient bon train quant à l’avenir politique de l’ancien dirigeant de la Commission de Discipline du Parti et chef de la campagne anti-corruption Wang Qishan : si un précédent d’exemption concernant l'âge de la retraite devait être fait, il était anticipé qu’il serait le premier à en bénéficier, ce qui ouvrirait la voie à des prochaines exemptions, dont une potentiellement pour Xi d’ici 2022. Toutefois, aucune exception n’a été faite pour l’instant : Wang Qishan n’a pas été réélu membre du Comité Permanent du bureau de politique. Il a été remplacé par Zhao Leji.

Concernant les 18 autres membres du Politburo, environ une dizaine d’entre eux ont déjà travaillé ou étudié avec Xi Jinping par le passé, et peuvent être considérés comme des alliés pour ce dernier. Parmi ces 18 membres, seuls quatre ont moins de 60 ans aujourd’hui, et pourraient être d’après leur âge, des futurs potentiels candidats à la succession de Xi Jinping : Hu Chunhua, le Secrétaire du Parti de la province de Guandgdong, Chen Min’er, le Secrétaire du Parti de la province de Chongqing, Ding Xuexiang, Directeur Adjoint de la Direction Générale du Comité Central et enfin Li Qiang, Secrétaire du Parti de la province de Jiangsu. Toutefois, comme on l’a vu lors des précédentes années, le paysage politique peut évoluer rapidement en l’espace de 5 ans. 

Télécharger - Chine : réunion du Congrès du Parti (pdf - 464.75 Ko)
Rédigé par

Marie Thibout

Ce document est établi par Covéa Finance, société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des Marchés Financiers sous le numéro 97-007, constituée sous forme de société par actions simplifiée au capital de 7 114 644 euros, immatriculée au RCS Paris sous le numéro B 407 625 607, ayant son siège social au 8-12 rue Boissy d’Anglas 75008 Paris. Ce document est produit à titre indicatif et ne peut être considéré comme une offre de vente ou un conseil en investissement. Il ne constitue pas la base d’un engagement de quelque nature que ce soit, ni une évaluation de stratégie ni aucune recommandation d’investissement dans des instruments financiers. Il contient des opinions et analyses générales et non personnalisées conçues par Covéa Finance à partir de données chiffrées qu’elle considère comme fiables au jour de leur établissement en fonction du contexte économique, mais dont l’exactitude et la validité ne sont toutefois pas garanties.  Les opinions exprimées dans le document peuvent faire l’objet de modifications sans notification. Covéa Finance ne saurait être tenue responsable de toute décision prise sur la base d’une information contenue dans ce document. Ce document est la propriété intellectuelle de Covéa Finance. Toute Utilisation (définie ci-après), reproduction ou diffusion de tout ou partie du présent document devra faire l’objet d’une autorisation préalable de Covéa Finance. Le destinataire du présent document a connaissance et accepte que les  données chiffrées, permettant d’établir les opinions et analyses générales et non personnalisées, peuvent être soumises à l’acquisition de droits vis-à-vis de tiers. Par conséquent, les données chiffrées ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une quelconque Utilisation par le destinataire du document sans l’acquisition préalable des droits nécessaires directement auprès des tiers détenteurs de ces droits. Par ailleurs,  le destinataire du présent document a connaissance et accepte  que Covéa Finance ne sera en rien responsable de toute utilisation faite desdites données chiffrées et assumera seul toutes les conséquences vis-à-vis des tiers détenteurs des droits associés à ces données.  L’ « Utilisation » s’entend comme, et de manière non limitative, la manipulation de la donnée chiffrée, la distribution, la redistribution, l’intégration dans un système d’information ou dans des documents de tous types.