Italie : les enjeux du référendum en trois questions

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EN BREF

  • Le 4 décembre 2016, les électeurs italiens se prononceront par voie référendaire sur une réforme de la Constitution qui prévoit la fin du bicamérisme parfait entre les deux chambres du Parlement italien. Ainsi le Sénat pourrait perdre la plupart de ses prérogatives législatives et exécutives en devenant une assemblée constituée principalement d’élus locaux. Cette réforme, proposée par l’actuel Président du Conseil, M. Renzi, supprimerait un cas de figure relativement habituel sur les dernières années : l’absence de majorité dans l’une des deux chambres qui est une source d’instabilité politique chronique.
  • Le rejet du référendum impliquerait un statu quo institutionnel plus qu’un véritable choc politique dans la mesure où l’Italie a toujours su s’accommoder de ce genre de turbulence par le passé. Toutefois cet événement ouvrirait une nouvelle période d’incertitude sur la tête de l’exécutif et la composition du prochain Parlement italien dans un contexte où les intentions de vote pour certains partis radicaux, comme le Mouvement 5 étoiles et la Ligue du Nord, sont élevées.
  • En l’absence de certitudes sur la tenue de nouvelles élections, un rejet de la réforme constitutionnelle marquerait sans aucun doute un coup d’arrêt brutal à l’élan réformiste prôné par M. Renzi depuis son arrivée au pouvoir. Le principal risque serait que le climat d’incertitude prolongé, affectant les décisions des agents économiques résidents et l’attitude des investisseurs étrangers, ait des conséquences sur le plan économique et/ou financier alors même que la reprise de l’investissement se fait difficilement, que les progrès sur le marché du travail sont limités et que la problématique du secteur bancaire a pris une nouvelle dimension depuis le début d’année.

Quel est le mode de fonctionnement actuel du Parlement italien ?

La configuration actuelle des institutions de la vie politique italienne est celle d’un bicamérisme parfait à savoir la strict égalité de pouvoir législatif entre les deux chambres, la Chambre des députés et le Sénat, qui composent le Parlement italien (voir graphique ci-dessous). Ces deux chambres se distinguent par un mode d’élection différencié qui accorde une prime de majorité à la coalition en tête des élections législatives à la Chambre de députés et une représentation proportionnelle au Sénat. De cet arrangement institutionnel résulte fréquemment une situation de clivage entre les deux chambres c'est-à-dire une absence de majorité pour la coalition au pouvoir dans l’une des deux chambres (le Sénat). Le fait que le Sénat dispose d’un pouvoir législatif équivalent à la Chambre des députés oblige à un aller retour permanent entre les deux chambres pour voter un texte de loi identique et mène à des situations d’obstructions qui peuvent freiner le processus législatif ou amoindrir le contenu des réformes. L’autre caractéristique importante du système actuel est l’importance des petites formations politiques au sein d’une coalition qui peuvent subitement retirer leur soutien au gouvernement en place afin de provoquer la tenue d’un vote de confiance et générer une situation d’instabilité politique. De fait, il en résulte que depuis 1945, l’Italie a connu soixante gouvernements, soit approximativement un nouveau gouvernement tous les quatorze mois.

Italie référendum

Quelles sont les modifications proposées par le référendum du 4 décembre 2016 ?

C’est sur la base d’un constat partagé par une majorité de la classe politique que le gouvernement de M. Renzi s’est attelé à la tâche de mettre fin à ce régime institutionnel relativement instable. La stratégie de M. Renzi repose sur deux éléments complémentaires touchant le mode de fonctionnement des institutions : d’une part, 1) une réforme de la loi électorale pour modifier le mode de scrutin de la Chambre des députés et d’autre part, 2) la proposition de révision de la Constitution italienne, soumise au référendum du  4 décembre, afin de modifier le statut du Sénat.

Sur le premier point : la réforme électorale de la Chambre des députés (intitulé Italicum) a déjà été approuvée par le Parlement italien en mai 2015 mais reste en suspens d’une validation définitive de la Cour constitutionnelle, qui sera rendue après le 4 décembre 2016. Cette réforme prévoit des modifications substantielles du mode de scrutin de la chambre basse : le premier d’entre eux étant la mise en place d’une prime de majorité pour le parti en tête (et non plus à une coalition) de 340 sièges (sur 630) si ce parti obtient plus de 40% des suffrages au 1er tour. En cas de non atteinte de ce seuil de 40% des votes, un deuxième tour serait organisé avec les deux partis ayant remporté le plus de suffrages au premier tour. A l’issue de ce second tour, le parti arrivé en tête bénéficiera d’une prime de majorité mais toutefois plus faible que celle qu’il aurait pu obtenir en l’emportant au 1er tour. Le reste des sièges de l’assemblée sera alors redistribué avec une dose de proportionnalité pour les partis ayant obtenu plus de 3% des suffrages.

Le second élément concerne l’unique objet de la consultation référendaire à savoir la révision de la Constitution afin de réduire les pouvoirs législatifs et exécutifs du Sénat et de réorienter le travail de cette chambre sur des compétences à l’échelle régionale ou sur des questions purement institutionnelles (voir graphique ci-dessous). Le référendum du 4 décembre prochain propose donc aux italiens de réduire drastiquement les pouvoirs du Sénat y compris sur la nomination/destitution du gouvernement et sur l’approbation du budget ainsi que diminuer ses frais de fonctionnement (environ 500 millions d’euros par an).

L’intention initiale de M. Renzi était que la combinaison de ces deux réformes devait permettre de faciliter la formation de majorités plus stables, moins dépendantes de la versatilité de petites formations dans une coalition et d’améliorer la gouvernabilité du pays en réduisant les délais d’adoption des lois. A l’inverse, elle ouvre l’eventualité d’une concentration des pouvoirs dans un contexte où les formes de « populisme » s’expriment de manière plus ou moins radicale. A l’heure de cette publication, la réforme électorale de la Chambre des députés (1) pourrait faire l’objet d’une révision car, pour de nombreux observateurs et représentants politiques dont une partie des membres du Parti Démocrate, elle pourrait conduire à une concentration excessive des pouvoirs dans les mains d’un seul parti. M. Renzi, dans ses dernières déclarations, s’est montré plutôt favorable à sa révision post-référendum à travers la suppression du scrutin à deux tours ou en accordant la prime de majorité à une coalition de partis et plus uniquement à un seul parti. Un amendement de ce genre serait un retour en arrière par rapport au changement voulu initialement mais pourrait s’avérer salutaire en cas de victoire d’un parti positionné aux bords du spectre politique (voir question E).

Italie référendum

Le 4 décembre 2016, les italiens seront donc amenés à répondre par oui ou non à la question suivante : « Approuvez-vous le texte de la loi constitutionnelle sur les « dispositions pour dépasser le bicamérisme, sur la réduction du nombre des parlementaires, sur la maîtrise des coûts de fonctionnement des institutions, sur la suppression de la CNEL* et sur la révision du titre V de la deuxième partie de la constitution** », tel qu'approuvé par le parlement et publié dans le no 88 de la Gazzetta ufficiale du 15 avril 2016 ? ».

Malgré plusieurs requêtes d’annulation portant sur le format et le contenu de la question (trop complexe et trop orienté sur la réduction des dépenses de fonctionnement de la vie politique selon ses détracteurs), celle-ci a été validée par la Cour constitutionnelle italienne, le 8 août 2016. Selon cette institution, toutes les obligations légales ont été respectées, à savoir la validité des 500 000 signataires et la conformité de la question.

Si les italiens donnent leur approbation en votant en faveur de cette réforme à la majorité simple alors le Sénat sera aboli sous sa forme actuelle et l’Italie basculera vers un système politique centré sur une seule chambre législative.

Comment se positionne la classe politique italienne par rapport au référendum ?

La campagne pour le référendum a réellement débuté à la mi-avril et s’est ouverte par la constitution de trois listes : deux qui militent pour le non au référendum (Comitato per il No et Io Voto No) alors que les partisans du oui se sont réunis sous une unique liste (Basta un Si). Le positionnement des partis politiques sur la question du référendum est similaire à celui présent dans l’hémicycle. Ainsi le Parti Démocrate, le Parti du nouveau centre-droit (Area populare) dirigé par A. Alfano (actuel ministre de l’intérieur de M. Renzi et ancien protégé de S. Berlusconi) ainsi que le parti centriste, Choix Civique pour l’Italie, font cause commune en faveur de la réforme constitutionnelle. A l’inverse, parmi les principaux partis d’opposition, le Mouvement 5 étoiles (M5S), Forza Italia et la Ligue du Nord s’opposent à cette réforme ainsi que certains partis de gauche.  

Au sein du Parti Démocrate, il demeure une fraction minoritaire de députés qui refuse de soutenir le référendum pour deux raisons principales : la première étant le souhait de voir l’actuel Président du Conseil, M. Renzi, être mis en échec et la seconde repose sur le refus, évoqué préalablement, d’une trop forte concentration des pouvoirs à un parti avec la réforme électorale. Comme évoqué précédemment, M. Renzi semble désormais ouvert à un compromis. Un tel changement, considéré comme une loi ordinaire, ne nécessiterait qu’un vote à la majorité simple devant les deux chambres du Parlement pour être validé.

Sur la base des intentions de vote dans l’éventualité de prochaines élections législatives, le camp qui regroupe les partis politiques s’opposant à la réforme semble disposer d’une longueur d’avance en termes de voix (voir graphiques ci-dessous) même si nous notons que le clivage de l’électorat sur la question du référendum dépasse la simple adhésion aux idées d’une formation politique et la ligne de fracture plus traditionnelle entre la droite et la gauche.

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Il est aussi intéressant de noter que ce n’est pas la première fois qu’une réforme constitutionnelle visant à réduire les pouvoirs du Sénat est proposée à la population italienne. En 2006, Forza Italia, le parti politique de Silvio Berlusconi, aujourd’hui opposé à la réforme, avait consulté les italiens sur le même sujet. Le référendum avait été rejeté à une large majorité (61% des suffrages) avec un taux de participation supérieur à 50%.

* CNEL est l'acronyme de Consiglio nazionale dell'economia e del lavoro ; cette chambre a un rôle consultatif auprès du gouvernement, du parlement et des régions. Cette institution est l’équivalent du Conseil économique, social et environnemental français.

** La révision du titre V de la deuxième partie de la Constitution concerne les compétences des régions, provinces et des communes qui seront renforcées dans le cadre des nouvelles fonctions du Sénat devenant une assemblée constituée d’élus locaux et de maires.

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Rédigé par

Thomas Foicik le 22 novembre 2016

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