Le nouveau président coréen met l’accent sur la demande domestique
EN BREF
En Corée du Sud, le candidat de centre gauche Jae-in Moon a gagné le 9 mai 2017 les élections présidentielles anticipées. Son programme s’appuie notamment sur une relance de la demande domestique.
Il devra faire face à une économie dont la croissance potentielle a ralenti et est aujourd’hui inférieure à 3%, et où le vieillissement de la population est marqué. La Corée a souffert du ralentissement des échanges mondiaux depuis 2009, et la contribution de la consommation des ménages à la croissance a sensiblement ralenti face à la hausse de leur endettement. L’économie coréenne bénéficie toutefois de larges atouts : un secteur manufacturier relativement productif, contrairement au secteur des services, une marge de manœuvre budgétaire conséquente et un excédent courant important.
D’un point de vue conjoncturel, la croissance coréenne rebondit depuis le début d’année. La relance de la demande domestique prévue par J. Moon pourrait être positive sur le court terme, tout comme la fin de l’instabilité politique interne. Dans ce contexte, la croissance annuelle coréenne pourrait se stabiliser sur un niveau proche de celui prévalant en début d’année (légèrement inférieur à 3%).
Le nouveau président souhaite favoriser la demande interne
A la suite de la destitution de Geun-hye Park, des élections présidentielles anticipées à un tour se sont tenues en Corée du sud le 9 mai dernier. Le candidat de centre gauche J. Moon, ancien président du parti démocrate coréen est sorti en tête avec 41% des voix, devenant donc le nouveau Président de la Corée du Sud, pour un mandat de 5 ans.
Lors de sa campagne, J. Moon a mis l’accent sur la stimulation de la demande interne : il prévoit la mise en place d’un plan de relance dès l’année 2017 (de plus de 10 000 milliards de wons, soit environ 8 milliards d’euros ou l’équivalent de 0,7% du PIB coréen), l’augmentation du rythme de croissance des dépenses publiques coréennes ainsi que la création de 810 000 emplois dans le secteur public. Il a également évoqué lors de sa campagne une augmentation du salaire minimum (de plus de 50% à horizon 2020) et des pensions de retraite, ainsi qu’une amélioration des conditions de travail passant par une baisse des heures travaillées et des emplois non réguliers (CDD et temps partiels notamment) au profit des emplois réguliers. Le parti de J. Moon (Minjoo Party of Korea) ne détenant pas la majorité des sièges à l’assemblée (120 sièges sur un total de 299), il devra former des alliances pour faire passer ses projets de loi.
Un potentiel de croissance de l’économie en retrait sur les dernières années
Le nouveau président devra faire face à une économie dont la croissance potentielle* est aujourd’hui estimée par le FMI en dessous de 3%, après avoir évolué sur des rythmes proches de 7% dans les années 90. Sur la période récente, la conjoncture économique coréenne et notamment la demande domestique a été négativement impactée par le naufrage du ferry Sewol en 2014, l’épidémie de MERS (syndrome respiratoire du Moyen-Orient) en 2015, et par les troubles politiques liés au scandale de corruption touchant l’ancienne présidente conservatrice G. Park, au cours de l’année 2016 et 2017.
L’économie a également souffert du ralentissement du commerce mondial sur les dernières années. Avec un taux d’ouverture de plus de 50% (moyenne des importations et des exportations rapportée au PIB), la Corée est particulièrement sensible au ralentissement du rythme de croissance des échanges mondiaux, et la contribution des exportations coréennes à la croissance s’est faite plus faible depuis 2012. L’exposition relativement importante des exportations coréennes à la Chine (un quart des exportations totales) peut également expliquer le moindre dynamisme des échanges commerciaux coréens depuis l’année 2014 et jusqu’en 2016, par le biais du ralentissement des importations chinoises. Certains secteurs très exposés au commerce mondial, notamment la construction navale et les transports maritimes, ont vu leur situation financière se dégrader fortement, impactant les banques publiques coréennes qui ont financé ces secteurs à risque, et poussant le gouvernement à mettre en place un plan de refinancement pour ces dernières.

L’économie coréenne voit également son potentiel de croissance ralentir avec le vieillissement de sa population. Le rythme du vieillissement est très rapide, et devrait être plus marqué que celui enregistré au Japon à partir des années 1980. Selon les prévisions des Nations Unies, la population coréenne devrait décliner d’ici 2025, et la population en âge de travailler devrait commencer à diminuer à partir de 2018.
Le ralentissement de la croissance coréenne semble être également lié à la modération de la croissance de la productivité coréenne, notamment de la productivité du travail (mesurée par le rapport entre le PIB et le nombre d’heures travaillées). Ce phénomène semble être expliqué par la faible productivité du secteur des services : cette dernière atteint seulement 45% de la productivité du secteur manufacturier en 2014 en Corée selon l’OCDE (contre une moyenne de 90% dans les pays de l’OCDE). La croissance coréenne ayant été tirée par le secteur exportateur tourné vers les produits manufacturiers, les ressources financières et la recherche se sont dirigées en priorité vers ce secteur au détriment des services. Le secteur des services est constitué notamment de PME, dont la productivité est plus faible que les grandes entreprises qui ont investi massivement dans les technologies pour gagner en productivité. La part des investissements en recherche et développement dirigée vers le secteur des services en Corée est relativement faible en comparaison de la moyenne des pays de l’OCDE : en 2013, elle représentait 8% des investissements réalisés par le secteur privé, contre une moyenne de 38% pour les pays de l’OCDE.

L’économie coréenne est également confrontée à l’affaiblissement de la contribution de la consommation des ménages à la croissance. Ce phénomène peut être expliqué en partie par le niveau élevé d’endettement des ménages, qui atteint au troisième trimestre 2016 près de 92% du PIB coréen, et ne cesse de progresser (il représentait en 2010 77% du PIB). La moitié de l’endettement des ménages coréen est constitué de prêts hypothécaires, et leur hausse peut être expliquée par la progression des prix de l’immobilier qui ont plus que doublé depuis l’année 2000. D’autre part, la structure de la majeure partie des crédits immobiliers accordés explique la faible vitesse de désendettement des ménages coréens : il s’agit de crédits hypothécaires in fine, c’est à dire que le remboursement du principal n’intervient qu’en fin de période, ou à la revente du bien. Fort de ce constat, le gouvernement a mis en place un programme de conversion des crédits in fine en prêts hypothécaires avec amortissement : ces derniers représentaient moins d’un cinquième des crédits hypothécaires en 2012, et ils représentent plus de 40% des crédits hypothécaire au troisième trimestre 2016. Autre phénomène plus récent, on constate une accélération de l’endettement hypothécaire des ménages à partir de l’été 2014 avec le relâchement des mesures prudentielles pour l’octroi de crédit aux ménages par le gouvernement, pour relancer le marché de l’immobilier en difficulté à cette période (hausse des ratios maximums d’endettement). En dehors des crédits hypothécaires, l’endettement des ménages peut être également expliqué par le système de location immobilière propre à la Corée : beaucoup de locataires déposent une somme importante auprès de leur propriétaire en début de location (ce dépôt est restitué à la fin du bail), ce qui leur permet de ne pas verser de loyer pendant la durée du bail. Le montant de ce dépôt est souvent emprunté par le locataire à une banque, et il n’a cessé de monter sur les dernières années pour représenter à la fin de l’année 2015 près de trois quart de la valeur immobilière du bien selon la banque centrale coréenne alors qu’il ne représentait encore en 2009 que la moitié de la valeur du bien.


La Corée bénéficie de fondamentaux économiques solides
Malgré le ralentissement de la croissance potentielle coréenne, le pays bénéficie d’atouts économiques importants.
En premier lieu un secteur manufacturier productif. Les investissements en recherche et développement, s’ils sont peu dirigés vers le secteur des services, sont élevés en comparaison du PIB coréen, représentant plus de 4% de ce dernier en 2014, soit le ratio le plus élevé parmi les pays de l’OCDE. Ce phénomène peut expliquer les gains de productivité réalisés par le secteur manufacturier sur les années 2000. Selon l’OCDE, ce phénomène aurait contribué à la croissance coréenne sur les années 2000 (en moyenne autour de 4,2%) à hauteur de 1,7 point de pourcentage en moyenne par an.
L’économie coréenne bénéficie également d’un cadre propice aux affaires : la Corée est classée 5ème (sur 190 économies) par la Banque Mondiale sur la facilité d’entreprendre.
D’autre part, le gouvernement bénéficie d’une marge de manœuvre budgétaire importante. Les comptes publics coréens sont relativement sains, avec une dette publique faible au regard du PIB (42% du PIB au troisième trimestre 2016), et un excédent budgétaire récurrent. Ce point devrait faciliter la mise en place des réformes et du plan de relance budgétaire souhaité par J. Moon.

Enfin, la dette extérieure coréenne est relativement faible, à moins de 30% du PIB, et l’économie bénéficie d’un compte courant très excédentaire au regard de la taille de son économie : ce dernier représente près de 7% du PIB coréen, grâce principalement à l’excédent de la balance des biens qui évolue sur des points hauts depuis l’année 2015 (la baisse de la facture énergétique avec le recul du prix du pétrole est en partie responsable de ce phénomène).
Reprise conjoncturelle à l’œuvre depuis le début d’année
D’un point de vue conjoncturel, depuis la fin d’année 2016, l’activité industrielle coréenne semble avoir bénéficié de la reprise récente des échanges commerciaux mondiaux. Les exportations coréennes en baisse notable jusqu’en fin d’année 2016 enregistrent des rythmes de croissance robustes, notamment vers l’Asie, et l’industrie coréenne progresse en mars sur des rythmes de croissance supérieurs à 3%. Au premier trimestre, la progression du PIB a été robuste, en hausse de 0,9% sous l’effet d’une hausse de la consommation des ménages et de l’investissement, portant la croissance annuelle à 2,8%.

La relance de la demande domestique prévue par J. Moon et le plan de stimulus pour l’année 2017 pourraient être positifs sur le court terme. D’autre part, la fin de l’instabilité politique devrait permettre aux indicateurs de confiance, encore pour l’instant relativement dégradés, de se reprendre. Dans ce cas, et dans l’optique d’un maintien du niveau des échanges commerciaux, la croissance coréenne pourrait se stabiliser sur un niveau proche de celui prévalant en début d’année.
*croissance potentielle : croissance que l’économie peut maintenir à long terme, hors effets de court terme liés à un écart entre la demande et le niveau potentiel de l’offre (définition de la Banque de France)
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Marie Thibout le 26/05/2017
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