Nouveau cadre de politique monétaire au Japon

Réaction économique
Asie

EN BREF

  • La banque centrale japonaise (BoJ) a annoncé le 21 septembre 2016 un nouveau cadre de politique monétaire reposant sur deux points : un contrôle de la courbe des taux, et l’engagement de dépasser l’objectif d’inflation. Pour ce faire, elle laisse inchangé son taux de dépôt à -0,1%, et s’engage à poursuivre les achats d’obligations du gouvernement pour maintenir le taux souverain 10 ans autour de 0% (son niveau actuel). Elle introduit une opération de refinancement sur le long terme au taux de 0% pour une maturité maximum pouvant aller jusqu’à 10 ans (contre un an jusqu’à présent). D’autre part, elle annonce qu’elle continuera d’augmenter sa base monétaire tant que l’inflation ne se sera pas stabilisée sur des niveaux supérieurs à 2%.
  • En pratique, la cible de taux que la BoJ s’est fixée est la même que les niveaux sur lesquels évoluaient déjà le 10 ans japonais, donc ne consiste pas pour l’instant en une expansion monétaire supplémentaire. Mais ce nouveau cadre garantit une stabilité des taux long terme japonais sur des niveaux extrêmement bas pour une période plus prolongée.

Evaluation des effets de la politique monétaire

Comme annoncé lors de la réunion du politique monétaire fin juillet dernier, la banque centrale japonaise (BoJ) a procédé à l’étude des impacts de sa politique monétaire mise en place depuis avril 2013 sur l’activité économique ainsi que les prix au Japon.  

Japon

Elle conclue que sa politique expansionniste quantitative passant par la hausse de la base monétaire (billets, pièces en circulation, réserves obligatoires et excédentaires des institutions financières à la BoJ) ainsi que par la mise en place d’un taux de dépôt négatif, a permis d’abaisser les taux d’intérêt réels et nominaux, court terme comme long terme, de rehausser les anticipations d’inflation, d’améliorer l’activité économique et de rendre les conditions de financement plus accommodantes. 

Japon

Elle signale que l’absence d’atteinte de son objectif d’inflation de 2% est liée pour beaucoup à des facteurs exogènes, que sont le déclin du prix du pétrole, la baisse de la demande interne japonaise (consécutive à la hausse de la TVA en avril 2014), et l’essoufflement de la demande externe liée au ralentissement des émergents. Ces facteurs ont causé une baisse de l’inflation réalisée, qui a ensuite induit une baisse des anticipations d’inflation.  

A la lumière de cette évaluation, la banque centrale annonce : 

  • qu’il est nécessaire que les anticipations d’inflation progressent
  • qu’elle doit s’engager à augmenter sa base monétaire sur le long terme
  • que sa politique monétaire, pour influencer l’ensemble de la courbe de taux, doit comprendre des achats d’obligations du gouvernement et le maintien de taux d’intérêt négatifs sur le court terme. 
Japon

Nouveau cadre de politique monétaire

Dans ce contexte, la BoJ a annoncé un nouveau cadre de politique monétaire reposant sur deux points : 

  • un contrôle de la courbe des taux
  • l’engagement de dépasser l’objectif d’inflation. 

Pour ce faire, elle laisse inchangé son taux de dépôt à -0,1%, et s’engage à poursuivre les achats d’obligations du gouvernement pour maintenir le taux souverain 10 ans autour de 0% (son niveau actuel).  Elle conduira donc des opérations d’achat d’obligations souveraines japonaises à taux fixe, même en cas de variation du taux 10 ans, pour éviter à la courbe de taux de dévier par rapport à ses niveaux actuels. D’autre part, elle introduit une opération de refinancement sur le long terme au taux de 0% pour une maturité maximum pouvant aller jusqu’à 10 ans (contre un an jusqu’à présent). Enfin, elle annonce qu’elle continuera d’augmenter sa base monétaire tant que l’inflation ne se sera pas stabilisée sur des niveaux supérieurs à 2% (auparavant, elle souhaitait maintenir ce mouvement tant que l’inflation ne se stabilisait pas autour de 2%). 

Ce nouveau cadre conduit donc à un abandon de l’outil de politique monétaire qui constituait, depuis avril 2013, à viser un rythme de hausse de la base monétaire japonaise (à 80 000 milliards de yens par an depuis octobre 2014), au profit du taux souverain 10 ans et du taux de dépôt. D’autre part, elle ne se limite plus dans la composition de ses achats, puisqu’elle ne vise plus de maturité moyenne (maturité moyenne des achats précédemment comprise entre 7 et 12 ans). La BoJ anticipe toutefois que le rythme de hausse de sa base monétaire se maintienne autour de son ancien objectif de 80 000 milliards. Elle a par ailleurs laissé inchangé son rythme d’achats annuels pour les ETF (fonds indiciels cotés), REIT (fonds d’investissement immobilier cotés), obligations privées et billets de trésorerie. 

Quels changements pour quels effets ? 

Avec ce nouveau cadre de politique monétaire, la BoJ renoue avec un objectif de prix, après avoir ciblé un objectif quantitatif depuis plus de trois ans. De ce fait, elle souhaite cette fois contrôler directement la courbe de taux, sans passer par un contrôle indirect via un volume d’achat. 

Elle se réserve également plus de flexibilité, car les achats d’obligations du gouvernement pourront se porter sans contrainte sur les maturités, et surtout, le volume des achats n’est plus prédéterminé. Il pourra être moins important que les 80 000 milliards de yens par an si les taux sont égaux ou inférieurs au niveau qu’elle vise, et inversement, être plus important si ces derniers sont supérieurs à sa cible (mais dans ce cas, un risque de perte de contrôle de la taille de son bilan est à souligner). La BoJ se réserve d’autant plus de flexibilité qu’elle signale déjà les options possibles pour plus d’expansion monétaire, à savoir, une baisse supplémentaire de son taux de dépôt, ainsi qu’une baisse de son taux cible pour le taux souverain à dix ans. Elle n’écarte pas la possibilité d’accélérer le rythme de hausse de sa base monétaire ou le rythme de ses achats. 

En garantissant pour l’instant un rendement positif des taux souverains au-delà du 10 ans, elle soulage les institutions financières, notamment les banques et les assurances, impactées négativement par la mise en place d’un taux de dépôt à -0,1% en janvier dernier, qui avait conduit à un aplatissement de la courbe de taux japonaise. 

Elle réaffirme par ailleurs son objectif d’inflation, et s’engage à maintenir une politique extrêmement accommodante ainsi que des taux très bas pour une période très longue, puisque sa politique sera maintenue tant que l’inflation n’atteindra pas durablement des niveaux supérieurs à 2%. Ce phénomène sera long, car la remontée des anticipations d’inflation prendra selon elle du temps. Ce message est réaffirmé avec l’introduction de sa nouvelle opération de refinancement à 10 ans au taux de 0%. 

La BoJ n’est pas la première banque centrale à mettre en place une cible de taux d’intérêt long terme, puisque la Réserve Fédérale américaine l’avait déjà fait pendant une dizaine d’année à partir de 1942. Toutefois, sur la période récente, elle est la seule banque centrale à expérimenter un ciblage de taux longs. 

En pratique, la cible qu’elle s’est fixée est la même que les niveaux sur lesquels évoluaient déjà le 10 ans japonais, donc ne consiste pas pour l’instant en une expansion monétaire supplémentaire. Mais elle garantit une stabilité des taux japonais long terme sur des niveaux extrêmement bas pour une période plus prolongée. D’autant plus que les problématiques désinflationnistes propres au Japon (démographie, partage de la valeur ajoutée privilégié vers les entreprises au dépend des salaires entre autres) rendent la remontée de l’inflation difficile.   

Télécharger - Nouveau cadre de politique monétaire au Japon (pdf - 361.29 Ko)
Rédigé par

Marie Thibout le 22/09/2016

Ce document est établi par Covéa Finance, société de gestion de portefeuille agréée par l’Autorité des Marchés Financiers sous le numéro 97-007, constituée sous forme de société par actions simplifiée au capital de 7 114 644 euros, immatriculée au RCS Paris sous le numéro B 407 625 607, ayant son siège social au 8-12 rue Boissy d’Anglas 75008 Paris. Ce document est produit à titre indicatif et ne peut être considéré comme une offre de vente ou un conseil en investissement. Il ne constitue pas la base d’un engagement de quelque nature que ce soit, ni une évaluation de stratégie ni aucune recommandation d’investissement dans des instruments financiers. Il contient des opinions et analyses générales et non personnalisées conçues par Covéa Finance à partir de données chiffrées qu’elle considère comme fiables au jour de leur établissement en fonction du contexte économique, mais dont l’exactitude et la validité ne sont toutefois pas garanties.  Les opinions exprimées dans le document peuvent faire l’objet de modifications sans notification. Covéa Finance ne saurait être tenue responsable de toute décision prise sur la base d’une information contenue dans ce document. Ce document est la propriété intellectuelle de Covéa Finance. Toute Utilisation (définie ci-après), reproduction ou diffusion de tout ou partie du présent document devra faire l’objet d’une autorisation préalable de Covéa Finance. Le destinataire du présent document a connaissance et accepte que les  données chiffrées, permettant d’établir les opinions et analyses générales et non personnalisées, peuvent être soumises à l’acquisition de droits vis-à-vis de tiers. Par conséquent, les données chiffrées ne peuvent en aucun cas faire l’objet d’une quelconque Utilisation par le destinataire du document sans l’acquisition préalable des droits nécessaires directement auprès des tiers détenteurs de ces droits. Par ailleurs,  le destinataire du présent document a connaissance et accepte  que Covéa Finance ne sera en rien responsable de toute utilisation faite desdites données chiffrées et assumera seul toutes les conséquences vis-à-vis des tiers détenteurs des droits associés à ces données.  L’ « Utilisation » s’entend comme, et de manière non limitative, la manipulation de la donnée chiffrée, la distribution, la redistribution, l’intégration dans un système d’information ou dans des documents de tous types.