Quel(le) Président(e) pour la FED ?
Le Président Donald Trump devrait annoncer dans les prochains jours le nom du successeur de Janet Yellen à la tête de la Réserve Fédérale (FED). L’actuelle Présidente, dont le mandat de 4 ans s’achève en février 2018, pourrait être reconduite, mais le Président Trump envisage également d’autres options.
Parmi les 5 candidats évoqués au cours des derniers mois, deux semblent se distinguer au terme de la série d’entretiens effectués ces dernières semaines à la Maison Blanche : Jerome Powell, actuel membre du Conseil des Gouverneurs, défend la politique monétaire accommodante menée par la Réserve Fédérale depuis la crise, mais envisage une régulation bancaire moins stricte. Candidat de la continuité, il a l’avantage sur Janet Yellen d’être Républicain. Le deuxième favori d’après les déclarations récentes de Donald Trump, est John Taylor, économiste reconnu de Stanford, qui s’est montré très critique au cours des dernières années vis-à-vis de la politique monétaire ultra-accommodante de la Réserve Fédérale. Il a défendu le recours à une règle claire (une formule mathématique) pour définir la politique monétaire, afin de la rendre plus prévisible et donc efficace. Une fois le choix du Président arrêté, le candidat devra être confirmé par le Sénat en début d’année prochaine, et prendra ses fonctions en février 2018. Au-delà de la Présidence, c’est une majorité des membres du Conseil des Gouverneurs qui pourrait prochainement être renouvelée.
Normalisation de la politique monétaire américaine
« Le remplacement éventuel de Janet Yellen à la tête de la FED et la nomination de nouveaux membres au Conseil des Gouverneurs pourraient modifier les perspectives de normalisation de la politique monétaire de la Réserve Fédérale. »
Une recomposition à venir du Conseil des Gouverneurs
Le Conseil des Gouverneurs de la Réserve Fédérale américaine, organe central de décision en terme de politique monétaire, est appelé à être profondément redéfini au cours des prochains mois. Le mandat de 4 ans de la Présidente du Conseil, Janet Yellen, arrive à échéance le 3 février 2018. La nomination de son successeur éventuel, ou l’annonce de sa reconduction, revient au Président Donald Trump, qui doit fait part de sa décision dans les prochains jours. Une fois le choix du Président arrêté, le candidat doit ensuite être confirmé par le Sénat, vraisemblablement en début d’année 2018 (Janet Yellen avait été confirmée le 6 janvier 2014 et son prédécesseur Ben Bernanke le 31 janvier 2010). Au-delà du Président, plusieurs autres postes au Conseil devront également être pourvus dans les prochains mois. Le Vice-Président Stanley Fischer, dont le mandat arrivait à échéance en juin 2018, a annoncé en septembre sa démission effective au 13 octobre 2017. Par ailleurs, trois autres postes étaient jusqu’à très récemment vacants. Le premier a été pourvu le 5 octobre 2017 avec la confirmation par le Sénat de la nomination de Randal Quarles au poste de chef de la supervision bancaire. M. Quarles défend une régulation bancaire moins contraignante, en ligne avec la vision développée par le Président Donald Trump. Les deux autres postes restent vacants à ce jour, la nomination de J. Otting n’ayant pas encore été confirmée par le Sénat. Au final, sur les sept membres du Conseil des Gouverneurs, cinq pourraient été renouvelés au cours des prochains mois. Ces nominations peuvent s’inscrire dans la continuité mais la possibilité à terme d’une orientation différente de la politique monétaire de la Réserve Fédérale ainsi que de la régulation financière ne peut être exclue.
Les candidats à la Présidence de la FED
Il y a quelques mois encore, les chances de voir Janet Yellen entamer un deuxième mandat à la tête de la Réserve Fédérale étaient quasiment nulles. Le candidat Donald Trump avait été très critique durant la campagne vis-à-vis de la Présidente de l’institution, estimant que la politique monétaire ultra-accommodante de la FED était destinée à soutenir l’administration Obama. Depuis son élection, le Président Républicain s’est montré beaucoup plus positif à l’endroit de la responsable de la FED, louant la qualité de son travail, et le fait que l’environnement de taux bas est favorable à l’activité. Une reconduction de Mme Yellen signifierait une poursuite de la politique monétaire menée depuis 2 ans, à savoir un relèvement graduel du taux directeur et une réduction également progressive de la taille du bilan de la FED, initiée en octobre 2017. Concernant la politique quantitative, la Présidente n’exclut pas d’avoir recours de nouveau à des achats d’actifs en cas de ralentissement de l’activité. En terme de régulation bancaire, Mme Yellen estime que les dispositions mises en place au sortir de la crise avec la loi Dodd Frank étaient nécessaires. Elle n’écarte pas pour autant quelques ajustements si certains éléments de la régulation se sont révélés trop restrictifs.
L’un des candidats les plus sérieux pouvant remplacer Mme Yellen est déjà membre du Conseil des Gouverneurs. Jerome Powell, Républicain et avocat de formation, a travaillé au Trésor sous l’administration W Bush, et a été nommé au Conseil en 2012 par Barack Obama. Son positionnement en terme de politique monétaire est assez proche de celui de Mme Yellen. Il n’a jamais voté contre une décision du Comité au cours des cinq dernières années et apparait comme un membre consensuel qui défend la politique monétaire accommodante menée par la Réserve Fédérale depuis la crise. Comme Mme Yellen, M. Powell estime que les programmes d’achats d’actifs de la Fed ont permis d’enrayer la crise financière et de limiter l’ampleur de la contraction de l’activité économique. Il est aujourd’hui en faveur d’un resserrement graduel de la politique monétaire. Concernant la régulation bancaire, M. Powell défend une vision pragmatique et estime que certaines dispositions adoptées au sortir de la crise avec la loi Dodd Franck sont allées trop loin. Il a notamment envisagé dans un discours au Congrès en juin dernier l’assouplissement de la Règle Volcker qui interdit aux banques le trading pour compte propre. De même, il estime que certains stress tests appliqués aux grandes banques pourraient être assouplis. Ce positionnement en faveur d’une régulation moins contraignante le rapproche de l’administration Trump qui considère que la régulation bancaire est un frein pour la croissance américaine.
Le second favori pour succéder à Mme Yellen est également Républicain. Il s’agit de John Taylor, économiste spécialiste de la politique monétaire de renommée mondiale, et fervent opposant de la politique ultra accommodante pratiquée depuis 2008. M. Taylor rejette la politique actuelle de la Réserve Fédérale, dite « discrétionnaire », qui ajuste son taux directeur en fonction d’une interprétation qualitative des données économiques et des conditions financières. Il y oppose une politique monétaire basée sur le suivi d’une règle fixe, telle que la célèbre règle de Taylor qu’il a proposé en 1993. Dans sa version originelle, cette formule mathématique fixe le niveau du taux directeur en fonction de l’écart entre le niveau d’inflation et la cible d’inflation, et l’écart à la croissance potentielle. En suivant un tel cadre monétaire, le taux directeur qui est fixé actuellement dans la fourchette [1%; 1,25%] devrait se situer sur des niveaux supérieurs (entre 2,5% et 4% selon les configurations retenues). M. Taylor, dont les positions tranchées ne font pas consensus au sein des experts de la Réserve Fédérale, a néanmoins déclaré début octobre que l’utilisation d’une règle ne doit pas lier les mains des banquiers centraux et rappelé que la règle de Taylor ne doit pas être appliquée de façon mécanique. Concernant la politique quantitative, l’économiste de Stanford est un opposant de la première heure aux achats d’actifs de la FED. Il défend l’idée selon laquelle ces interventions abaissent les taux d’intérêt à long terme ce qui réduit les incitations au crédit pour les prêteurs et donc pénalise l’investissement et la croissance. Dans une tribune publiée cet été avec deux collègues de Stanford Kevin Warsh et John Cogan, ainsi que Glen Hubbard de Columbia, il soutient la vue de l’administration Trump selon laquelle la croissance du PIB américain peut s'établir durablement à 3% en rythme annuel. Pour atteindre cet objectif, il préconise la réduction de l’imposition, des dépenses publiques, ainsi qu’un effort de déréglementation pour relancer l’investissement et la productivité. Kevin Warsh, collègue de John Taylor à Stanford, et Gary Cohn, principal conseiller économique de Donald Trump à la Maison Blanche, ont également été pressentis un temps pour diriger la Réserve Fédérale. Les dernières déclarations de Donald Trump et des membres de l’administration laissent penser que leurs chances ont nettement reculé ces dernières semaines. Kevin Warsh a été membre du conseil des gouverneurs entre 2006 et 2011. Il a émis de grandes réserves quant à l’efficacité des programmes d’achat d’actifs, qui n’auraient pas significativement soutenu la croissance et auraient comme effet pervers d’encourager la prise de risque sur les marchés financiers. Concernant, la politique monétaire conventionnelle, il considère que la Réserve Fédérale a tendance à trop réagir à court terme à la publication de données, et devrait privilégier une stratégie de moyen terme dans la conduite de la politique monétaire. Il envisage également d’abaisser la cible d’inflation, actuellement à 2%, vers une fourchette entre 1% et 2%. Cette révision baissière de l’objectif pourrait induire un niveau de taux directeur plus élevé. Par ailleurs, M. Warsh estime que la Réserve Fédérale est devenue trop puissante en terme de réglementation financière vis-à-vis des banques avec la mise en place de la loi Dodd Frank en 2010. Enfin, Gary Cohn, ancien Directeur des Opérations chez Goldman Sachs, est actuellement directeur du Conseil Economique National. Principal conseiller économique de Donald Trump, il est l’un des artisans du projet de réforme fiscale défendu par la Maison Blanche. Peu d’éléments ont émergé quant à sa vision de la politique monétaire, mais ses déclarations passées laissent présager d’une vision prudente et graduelle dans la conduite du taux directeur. Pour finir, rappelons que les membres votants du Comité de Politique Monétaire (FOMC) sont au nombre de 12 : les 7 membres du Conseil des Gouverneurs et 5 Présidents des Réserves Fédérales régionales. Ainsi les nouveaux membres du Conseil qui seront nommés dans les prochains mois s’intégreront à une équipe en place et devront établir un consensus avec les participants actuels. Ce cadre permet de relativiser le risque de changement brutal de l’orientation de la politique monétaire à court terme. Pour autant, dans le cas du remplacement de Janet Yellen par John Taylor, le biais accommodant de la politique monétaire actuelle s’inverserait assez nettement, et le recours à des outils non conventionnels tels que les achats d’actifs pourrait être remis en cause à moyen terme.
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Sébastien Berthelot
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