Allemagne : vers la reconduction d'une grande coalition ?

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Le résultat des élections fédérales allemandes du dimanche 24 septembre 2017 a abouti à une fragmentation inédite du parlement et à la plus longue période de négociations pour former un gouvernement depuis la réunification.

C’est au terme de plus de quatre mois de pourparlers que les deux partis historiques du paysage politique allemand, le parti conservateur (CDU allié à la CSU) et le parti social démocrate (SPD) ont trouvé un accord pour reconduire un gouvernement dit de « grande coalition ». Cet accord a pour finalité de définir la politique d’un gouvernement commun sur la durée de la nouvelle législature et de répartir les postes ministériels. La chancelière allemande, Angela Merkel, devrait donc être reconduite à son poste pour son quatrième mandat consécutif tandis que le parti social-démocrate (SPD) devrait obtenir trois portefeuilles clés dans la future coalition : les finances, les affaires étrangères et celui du travail et des affaires sociales. Le partenaire naturel de la CDU, la CSU serait en bonne place pour briguer le ministère de l’intérieur. Toutefois cette coalition reste en suspens d’une dernière étape décisive : le vote des adhérents du parti SPD qui se prononceront dans les semaines à venir. La nomination officielle du gouvernement dépendra en dernier lieu du rapport de force au sein de la base électorale du SPD qui semble encore divisée.

« Le pré-accord, signé le 11 janvier 2018, entre le SPD et la CDU prévoyait un arbitrage plutôt en faveur des ménages à travers une baisse de la fiscalité et un accroissement des dépenses sociales »

Thomas Foicik

Enveloppes budgétaires prévues dans l'accord de principe SPD/CSU-CSU sur la période 2018-2021

 

Les premiers contours de l’accord de coalition

« L’accord entre la CDU-CSU et le SPD n’a pas été obtenu sans difficulté et est contesté au sein même du parti conservateur »

Thomas Foicik

Depuis l’échec de la formation d’une coalition avec les sociaux-libéraux (FDP) et les écologistes (Die Grüne) à la fin du mois de novembre 2017, Angela Merkel avait tenté de convaincre les officiels du parti social-démocrate (SPD), initialement plutôt réticents, de renouveler une « grande coalition » dans la continuité de celle en place depuis 2013. A eux deux, le SPD et la CDU-CSU détiennent une majorité absolue avec 399 sièges des 709 sièges (56%) que comptent le Bundestag. Plus de quatre mois après les élections législatives, les deux partis, CDU-CSU d’un côté et SPD de l’autre, se sont enfin mis d’accord pour finaliser une orientation politique commune pour la prochaine législature.

Cette étape décisive avait été précédée d’un pré-accord, publié le 11 janvier 2018, qui précisait les contours budgétaires des quatre prochaines années. Dans cet accord de principe, les deux partis s’étaient engagés sur une enveloppe budgétaire additionnelle de 46Mds€ sur la période 2018-2021 avec un arbitrage plutôt en faveur des ménages à travers la réduction de la fiscalité et l’accroissement des dépenses sociales, mais également un effort budgétaire supplémentaire destiné à l’investissement dans la recherche et développement, les infrastructures, notamment dans l’économie numérique, et l’éducation (cf. tableau en première page). Les détails de l’accord politique entre le SPD et la CDU-CSU n’ont pas encore été tous rendus publics, mais les premiers contours de l’accord final montrent quelques concessions supplémentaires de la CDU. Sur le marché du travail, l’accord prévoit de réduire la durée maximale des contrats de travail à durée déterminée de 24 à 18 mois tout en limitant leur renouvellement. Un programme spécifique devrait également être mis en œuvre afin d’aider au retour à l’emploi des chômeurs de longue durée. Par ailleurs, une commission sera mise en place pour évaluer la faisabilité d’une base de remboursement plus équilibrée entre le système d’assurance santé public et les assureurs privés dans un contexte de vieillissement de la population allemande. Au-delà des politiques à mettre en œuvre, la question de l’attribution des portefeuilles ministériels a également été au cœur des négociations. Selon la presse allemande, le SPD devrait obtenir plusieurs ministères de première importance : celui des affaires étrangères avec une dimension européenne évidente, des finances (ce poste était précédemment tenu par W. Schaüble avant de prendre la présidence du Parlement) et du travail et des affaires sociales. L’attribution du ministère des finances et des affaires étrangères témoigne d’une position plus ouverte à davantage d’intégration économique, financière et politique. De son côté, le ministère de l’intérieur serait confié à un membre de la CSU. Ce parti, qui obtient au total trois postes ministériels, avait plaidé pour une politique migratoire plus ferme basée sur des quotas. Au final, le parti conservateur CDU ne garde que cinq ministères, dont celui de l’économie, alors qu’il était ressorti nettement en tête des suffrages lors des élections législatives. De ce point de vue, l’accord n’a pas manqué de susciter des réserves à l’intérieur du parti conservateur. Un congrès extraordinaire sera tenu le 26 février pour entériner ou non l’accord.

Un accord en suspens d’un vote interne au SPD

« Les concessions faites par Angela Merkel ne garantissent pas forcément l’adhésion des militants du SPD, qui auront le dernier mot lors d’un scrutin interne »

Thomas Foicik

Toutefois, la liste des concessions faites par Angela Merkel ne garantit nullement le vote d’adhésion des adhérents du SPD. En effet, le destin de la coalition restera entre les mains des militants du SPD qui seront invités à se prononcer lors d’un vote, probablement courant mars. La division interne sur ce sujet reste un obstacle de taille, comme en atteste le faible taux d’approbation des délégués régionaux pour le pré-accord en janvier (seulement 56% contre 86% lors de la précédente coalition en 2013) et l’affaissement de la popularité de M. Schulz. De plus, les militants de la jeunesse du parti SPD (Jusos) militent activement pour faire obstacle à cette grande coalition. A ce jour, le parti SPD compte environ 460 000 militants mais les adhésions se sont multipliées en amont du vote, près de 24 000 entre le 1er janvier 2018 et la date butoir pour participer au scrutin, fixée au 5 février dernier. A l’issue d’un vote favorable des militants du SPD, le nouveau gouvernement pourrait entrer en fonction au début du mois d’avril. Dans le cas contraire, la probabilité de nouvelles élections est élevée car Angela Merkel semble opposée à l’idée de constituer un gouvernement minoritaire.

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Rédigé par

Thomas Foicik

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