Environnement économique - Février 2025
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Tempête sur les relations internationales
Nos perspectives économiques et financières
Notre analyse sur les moteurs et leviers de croissance des États-Unis, de la France et de l’Allemagne a confirmé plusieurs avantages économiques des États-Unis, fondés sur un accès facilité aux ressources humaines, financières et liées aux matières premières. Ces avantages permettent aux États-Unis de déployer une politique industrielle volontariste. L’Europe, avec des ambitions similaires, est limitée par son manque d’accès aux ressources, un environnement politique complexe et de faibles marges de manœuvre budgétaires. L’inflation ralentit temporairement, permettant aux banques centrales de baisser les taux directeurs. Toutefois, des pressions inflationnistes se maintiennent, surtout aux Etats-Unis, en lien avec la boucle prix/salaire, l’escalade des tensions géopolitiques et les plans de relocalisation industrielle qui en découle.
Le mois a été marqué par l’évolution du positionnement des États-Unis sur le conflit ukrainien, qui marque un éloignement vis-à-vis de l’Europe. Les responsables américains ont entamé des négociations bilatérales avec la Russie sur la résolution du conflit et cherchent à signer un accord sur l’exploitation de ressources minières ukrainiennes en compensation des aides américaines à l’effort de guerre. Dans un contexte de remise en cause de l’alliance transatlantique, les pays européens annoncent des renforcements de leurs dépenses militaires. En outre, le président Trump a annoncé de nombreuses hausses de droits de douane sur les principaux partenaires commerciaux des États-Unis. Sur le marché des changes, l’euro s’est légèrement apprécié de 0,17% sur le mois contre le dollar, à 1,0411. Le prix du baril de Brent a reculé de 4,7% par rapport au mois précédent, à 73,18$.
Aux États-Unis, D. Trump multiplie les annonces de hausse de droits de douane. Le président a annoncé l’imposition de droits de douane de 25% sur les importations d’acier, d’aluminium, de véhicules, de semi-conducteurs et de produits pharmaceutiques ainsi que la mise en place de droits de douane dits « réciproques », dans le but d'égaler le niveau de barrières tarifaires et non-tarifaires imposées par les pays étrangers, qui devraient entrer en vigueur dans les prochains mois. Le Canada et le Mexique, également ciblés par l’imposition de droits de douane de 25%, ont bénéficié d’un délai d’un mois avant leur entrée en vigueur (désormais prévue début mars) en acceptant d’augmenter les dépenses pour renforcer le contrôle sur l’immigration et les flux de fentanyl. D. Trump a également annoncé une hausse de 10% des droits de douane sur les produits chinois début février, puis une hausse supplémentaire de 10% prévue début mars, et l’Union européenne devrait également être prochainement ciblée par une hausse de 25%. Sur le plan monétaire, la Réserve fédérale prône la prudence face au maintien du risque sur les prix (inflation à 3,0% en janvier) et à un marché de l’emploi toujours dynamique. Concernant l’activité, plusieurs enquêtes rapportent toutefois une montée des inquiétudes des entreprises et ménages face au poids des incertitudes créées par la politique commerciale de l’administration Trump.
Au Royaume-Uni, l’économie reste engluée entre faiblesse de la croissance et persistance des tensions inflationnistes. Si la Banque d’Angleterre a baissé son taux directeur de 25 points de base début février, la communication des banquiers centraux reste prudente. La dynamique des prix et des salaires reste élevée et pourrait se traduire par le maintien de taux d’intérêt durablement élevés. En parallèle, les indicateurs d’enquêtes publiés sur les deux premiers mois de l’année suggèrent que la dégradation de la conjoncture se poursuit. A la suite d’une visite du Premier ministre K. Starmer aux États-Unis, D. Trump a indiqué qu’il travaillait sur un accord commercial avec le Royaume-Uni, et que le pays pourrait ainsi échapper aux droits de douane américains. En zone euro, la CDU-CSU de Friedrich Merz arrive en tête de l’élection allemande. Après avoir exclu toute alliance avec l’AfD (arrivée deuxième du scrutin après une percée historique), la CDU-CSU a entamé des négociations avec le SPD pour constituer une coalition gouvernementale disposant d’une majorité confortable au parlement. F. Merz n’a pas exclu de réformer le mécanisme de frein à la dette, notamment pour financer plus aisément l’effort de défense, mais des incertitudes demeurent quant à l’obtention de la majorité des deux tiers des sièges nécessaires pour y parvenir. Il a également pris acte de la nécessité pour l’Europe de renforcer son indépendance, notamment militaire, vis-à-vis des États-Unis. Du côté du Conseil des gouverneurs de la BCE, les partisans d’une plus grande prudence dans l’éventuelle poursuite de la baisse des taux directeurs sont de plus en plus vocaux, à l’image d’Isabel Schnabel qui s’interroge sur le caractère restrictif de la politique monétaire en vigueur, et ce malgré l’atonie de l’activité économique.
En Chine, les autorités envoient un message favorable au secteur privé. Outre les assouplissements monétaire et budgétaire, les dirigeants chinois indiquent désormais un assouplissement réglementaire pour les entreprises du secteur privé, dont l’investissement est au point mort. Le gouvernement a également dévoilé un plan d'action visant à stabiliser les investissements étrangers, alors que leur baisse significative des deux dernières années pourrait être aggravée par les tensions commerciales avec les États-Unis. Au Japon, la dynamique des salaires demeure historiquement élevée et les banquiers centraux maintiennent le cap de la normalisation monétaire. L’inflation est repartie à la hausse, à 4% en glissement annuel en janvier, tirée par l’alimentation et une baisse des soutiens gouvernementaux sur les prix de l’essence, alors que la dynamique des prix des services reste faible.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Rédigé par

Louis MARTIN
Économiste
Le 6 mars 2025