Environnement économique - Juillet 2024
Temps de lecture : min
Les banques centrales américaine et européenne laissent leurs taux inchangés
Nos perspectives économiques et financières
Dans un monde où les tensions géopolitiques s’intensifient, les Etats-Unis, la Chine et l’Union européenne tentent de renforcer leur souveraineté par le biais de politiques industrielles et commerciales, de dispositifs de contrôle, de règlementations ou encore de facilités d’accès au financement. Ces stratégies nourrissent l’accroissement important de l’endettement des Etats, alimentent les déséquilibres inflationnistes et modifient les flux du commerce international. Elles se traduisent par des différences de performances notables entre économies et exigent une adaptation des modèles des entreprises. En l’absence d’un organe multilatéral de conciliation opérant, ces distorsions de concurrence provoquent des mesures de rétorsions compensatoires. Un schéma d’escalade qui pourrait accélérer le Multi-régionalisme. Les Banques Centrales ont des marges de manœuvre contraintes, la matérialisation d’un risque financier ou politique pourrait les forcer à intervenir.
La Réserve Fédérale américaine maintient le statu quo en juillet, tout comme la Banque Centrale Européenne (BCE), déjà engagée dans un cycle de baisse des taux. De l’autre côté du Pacifique, la Banque du Japon surprend en relevant son taux directeur pour la deuxième fois depuis 2007. Pénalisée par le recul de l’économie allemande, la croissance européenne poursuit son ralentissement, tandis que l’activité américaine reste soutenue par la consommation. Sur le plan politique, le parti Travailliste revient au pouvoir au Royaume-Uni, après 14 ans dans l’opposition, tandis que la situation politique française reste très incertaine à l’issue des élections législatives. Sur le marché des changes, l’euro s’est apprécié de 1,24% sur le mois contre le dollar à 1,083. Le prix du baril de Brent a baissé de 6,6% par rapport au mois précédent, à 80,72$.
Aux Etats-Unis, la croissance reste solide au deuxième trimestre, en dépit de signes de ralentissement. Le PIB a en effet progressé de 0,7% en glissement trimestriel, une nouvelle fois tiré par la vigueur de la consommation. Néanmoins, les indicateurs d’enquête pour le mois de juillet signalent une divergence entre une industrie à la peine et une activité dans les services qui reste robuste. La dynamique des prix s’est atténuée en juin, à 3,0% en glissement annuel, tandis que l’inflation sous-jacente a légèrement ralenti à 3,3%. Dans ce contexte, le Federal Open Market Commitee (FOMC) a de nouveau maintenu sa fourchette de taux directeurs inchangée à [5,25% ; 5,5%], mais ouvre la voie à une possible baisse de taux dès le mois de septembre. Bien que la Réserve Fédérale, dans son communiqué, se soit déclarée toujours attentive aux évolutions de l’inflation, elle a également mis en avant les risques qui pesaient sur le marché du travail. En effet, les créations nettes d’emplois sont revenues à 177 000 par mois en moyenne sur l’ensemble du deuxième trimestre, le plus faible niveau depuis fin 2019 (hors période de pandémie). Sur le plan politique, Joe Biden a annoncé son retrait de la course présidentielle face aux pressions de son parti et est remplacé par Kamala Harris, l’actuelle Vice-Présidente.
Au Royaume-Uni, le Parti travailliste remporte les élections générales. Keir Starmer a été nommé Premier ministre, et bénéficie d’une large majorité à la chambre basse avec 404 députés sur 650. Sur le plan économique, la conjoncture reste bien orientée en juillet en raison de l’amélioration de la situation dans l’industrie et d’une hausse de l’activité dans les services. L’inflation s’est maintenue à la cible des 2,0% en juin, mais les tensions persistent dans les services.
En zone euro, le PIB progresse au deuxième trimestre, malgré le recul de l’économie allemande. La croissance trimestrielle de la zone euro est restée stable à 0,3% (en glissement trimestriel), mais cache des situations hétérogènes parmi les grands pays. La croissance espagnole accélère fortement (0,8%) et l’activité est également en hausse en Italie et en France (0,2% et 0,3% respectivement). En Allemagne, le PIB se contracte de 0,1% sous l’effet du ralentissement du secteur industriel. La conjoncture reste par ailleurs morose à l’entrée du troisième trimestre selon les enquêtes PMI, avec un nouveau déclin du secteur manufacturier en France et en Allemagne. Du côté des prix, l’inflation accélère très légèrement en juillet à 2,6%, en raison du rebond des prix de l’énergie. L’inflation sous-jacente est restée inchangée à 2,9%, avec une dynamique toujours élevée des prix des services. Dans ce contexte, la Banque centrale européenne a laissé ses taux directeurs inchangés lors de sa réunion de juillet, après une baisse de 25 points de base en juin, mais ne s’engage pas pour la suite, réitérant l’approche « réunion par réunion ». A l’issue des élections législatives françaises, aucun parti ne semble, pour le moment, disposer d’une majorité qui lui permettrait de gouverner. Le Président français a annoncé que le gouvernement démissionnaire de Gabriel Attal resterait en place au moins jusqu’à la mi-août.
En Chine, le 3ème Plénum du Parti communiste chinois n’indique pas de rupture par rapport aux politiques structurelles des dernières années. L’agenda des réformes publié par les autorités reste en effet axé sur la qualité de la croissance, l’indépendance technologique et la sécurité nationale. En parallèle, la Banque centrale poursuit ses baisses de taux, dans un contexte de ralentissement de l’activité.
Au Japon, la banque centrale relève son taux directeur et annonce réduire ses achats d’actifs de moitié. Le taux directeur du Japon est passé de la fourchette [0% ; 0,1%] à 0,25%, la deuxième hausse depuis 2007. Les achats d’obligations, qui sont aujourd’hui de 40Mds$ par mois, seront réduit de moitié d’ici le premier trimestre 2026. Concernant l’activité, les indicateurs d’enquête décrivent une économie à deux vitesses, entre vigueur des services et faiblesse de l’industrie.
Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China.
Eloïse Girard-Desbois,
Économiste
Le 1er août 2024