"OnDécrypte l'Hebdo" - En ordre de bataille

Perspectives Économiques et Financières

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Découvrez l'intégralité de notre suivi des marchés de la semaine - 21 juillet 2025

Dans la continuité du sommet de l’OTAN qui s’est tenu au mois de juin, au cours duquel les membres se sont engagés à consacrer 5% de leur PIB à la défense et la sécurité d’ici 2035, la France a communiqué la semaine dernière des chiffres plus précis. Des investissements supplémentaires seront proposés venant s’ajouter à ceux déjà prévus par la Loi de Programmation Militaire (LPM) 2024-2030. La cible de dépenses de la LPM prévue en 2030 pourrait ainsi être atteinte dès 2027, marquant un doublement du budget des armées en dix ans. Au-delà de la question du financement de ces nouvelles dépenses, nous nous sommes concentrés dans nos dernières Perspectives Economiques et Financières sur l’analyse de la diffusion de ces investissements et sur leur effet multiplicateur au sein de l’économie des différents pays de l’Union Européenne. Selon nous, la capacité de réponse des industriels européens à l’augmentation de ces dépenses déterminera les conséquences pour les économies de la zone. Pour évaluer les défis liés à l’augmentation des cadences de production, nous avons mené une série d’entretiens avec les principales sociétés cotées du secteur en Europe qui nous ont permis de dégager 4 points critiques : les matières premières, les ressources humaines, l’outil industriel et enfin le financement.
La disponibilité des matières premières ne constitue pas, à ce jour, une source de tension pour l’industrie de défense, compte tenu des niveaux actuels de production. Toutefois, une proportion significative des matériaux indispensables à la fabrication d’équipements est encore produite ou raffinée en Chine, notamment les terres rares. Ainsi, la mise en place d’une chaîne d’approvisionnement sécurisée et diversifiée apparaît comme un enjeu important pour les années à venir.
S’agissant des ressources humaines, les besoins sont importants au sein de la Base Industrielle et Technologique de Défense (BITD). Certains profils restent difficiles à recruter, mais la question de la formation s’impose comme l’enjeu récurrent.
Les entreprises du secteur ont d’ores et déjà commencé à investir dans la modernisation ou le développement de leurs outils de production, certains acteurs continuent d’ailleurs d’explorer les possibilités de reconversion de sites de production issus de l’industrie automobile. Cependant, la poursuite de ces investissements dépendra de la réception de commandes fermes de la part des clients.
Le dernier point, sans doute le plus crucial, concerne le financement de ces entreprises. Ce défi ne touche pas seulement les grands acteurs du secteur, mais s'étend à l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement, constituée d’un réseau complexe et profond de PME qui ne disposent généralement pas de la solidité financière des grands groupes. Les initiatives de la Banque Européenne d’Investissement ainsi que la création de divers supports d’investissement dédiés à la défense en Europe représentent des premières réponses, mais elles seront probablement insuffisantes à elles seules.
L’ensemble de l’écosystème de la défense en Europe s’organise donc pour répondre à la demande croissante et faire en sorte que les budgets alloués ne profitent pas quasi exclusivement à des acteurs internationaux, notamment américains, comme ce fut le cas en 2022, lorsque près de 80 % des achats d’équipements ont été réalisés hors d’Europe. Une telle situation limiterait considérablement l’impact de ces investissements sur les économies européennes. Ce travail de fond mobilise chaque jour nos équipes qui en assurent le suivi et une analyse approfondie dans le cadre de nos Perspectives Économiques et Financières.

Rédigé par :

Julien CHEVALIER

Responsable du pôle Actions Europe