Environnement économique - mai 2025

Environnement économique

Temps de lecture : 12 min

Une fragile désescalade des tensions commerciales

Nos perspectives économiques et financières

Dans la continuité de nos réflexions précédentes, nous poursuivons notre analyse des avantages concurrentiels et le déploiement des stratégies industrielles des trois zones, à l’aune des premières mesures de la nouvelle administration américaine, des dernières initiatives européennes et des annonces volontaristes de la Chine. Les rapports de force au niveau mondial évoluent, de nouvelles rivalités se dessinent, et ces nouvelles réalités ont conduit à des stratégies de rupture, qui réorganisent les échanges mondiaux et encouragent des initiatives régionales ou nationales. Cette réorganisation du monde, qui s’accompagne d’une course à l’accès aux ressources, génère des pressions inflationnistes structurelles : tensions géopolitiques, relocalisation, pressions sur les salaires… Dans ce contexte où le Politique a repris la main, les marges de manœuvre des banques centrales restent contraintes et les autorités monétaires seront à l’avenir plus réactives que proactives.

Si le mois de mai a été marqué par une désescalade des tensions commerciales, les incertitudes restent très élevées et cette dynamique pourrait rapidement s’inverser. La Chine et les États-Unis ont trouvé un accord pour baisser temporairement leurs droits de douane, mais quelques semaines après, ils s’accusaient déjà respectivement de ne pas le respecter, illustrant ainsi sa précarité. Si les États-Unis ont rapidement trouvé un accord commercial avec le Royaume-Uni, les négociations avec ses autres grands partenaires commerciaux semblent plus ardues. De plus, D. Trump a annoncé de nouvelles hausses de droits de douane sur l’acier et l’aluminium. Dans ce contexte très incertain, les banquiers centraux mettent l’accent sur la prudence dans la conduite de la politique monétaire. Sur le marché des changes, l’euro s’est déprécié de 0,30% sur le mois contre le dollar, à 1,1339. Le prix du baril de Brent a augmenté de 1,24% par rapport au mois précédent, à 63,90$.

ameriqueAux États-Unis, l’incertitude se maintient sur la politique commerciale. Alors que début mai, les autorités américaines ont annoncé un accord de baisse temporaire des droits de douane avec la Chine et la conclusion d’un accord commercial avec le Royaume-Uni, la fin du mois a été marquée par de nouvelles annonces de hausses des droits de douane sur l’acier et l’aluminium, ainsi qu’une nouvelle hausse des tensions avec la Chine. Notons que le Tribunal de commerce international américain a jugé illégale l’utilisation par D. Trump d’une loi d’urgence économique pour mettre en place des droits de douane mais que, par la suite, la Cour d’appel a accordé leur maintien en attendant de se prononcer. Sur le plan monétaire, la Réserve fédérale américaine (Fed) a prolongé le statu quo et adopté une communication moins accommodante dans un contexte de fortes incertitudes induites par la politique commerciale. Si les banquiers centraux soulignent toujours la solidité de l’activité économique (toujours soutenue par une consommation vigoureuse) et la baisse de l’inflation (2,3% en avril), ils estiment que « les risques d'augmentation du chômage et de l'inflation se sont accrus ». Côté budgétaire, la Chambre des représentants a adopté, de justesse, le projet de loi sur les impôts et les dépenses défendu par D. Trump qui devrait contribuer à un creusement du déficit public. Il devra désormais être examiné par le Sénat. 

EuropeAu Royaume-Uni, l’économie se reprend au premier trimestre 2025. Le PIB a en effet progressé de 0,7% en glissement trimestriel, mettant fin à la quasi-stagnation observée sur le dernier semestre de 2024. Après une réunion illustrant d’importantes divisions en son sein, la Banque d’Angleterre a réduit son taux directeur de 25 points de base, à 4,25%, mais maintenu un ton prudent face à une inflation toujours vigoureuse (3,5% en avril). Outre l’accord avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni a également annoncé la signature d’un accord commercial avec l’Inde et d’un partenariat stratégique avec l’Union européenne.

En zone euro, les banquiers centraux soulignent le poids des incertitudes face à la politique commerciale américaine. S’ils sont globalement confiants dans la perspective d’un retour de l’inflation (2,2% en avril) à la cible de 2%, dans un contexte de modération des salaires, les banquiers centraux alertent sur les effets des hausses de droits de douane américains, qui pourraient être désinflationnistes à court terme en zone euro mais potentiellement inflationnistes à long terme du fait du risque de désorganisation des chaines d’approvisionnement. Concernant l’activité, le redressement de la distribution de crédit se poursuit en zone euro, signe d’un impact positif de la détente de la politique monétaire depuis près d’un an sur les conditions de financement. En outre, la production manufacturière s’est reprise en mars et le marché de l’emploi reste dynamique. La consommation des ménages reste toutefois morose et, face aux tensions commerciales, la Commission européenne a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone euro, à 0,9% en 2025 (contre 1,3% précédemment). Sur la question du change, la Présidente de la BCE, C. Lagarde, a indiqué que le climat d’incertitude actuel pouvait créer des opportunités pour permettre à l'euro de jouer un rôle international plus important. Concernant la politique de Défense, les pays membres ont adopté l’instrument « Agir pour la sécurité en Europe » (SAFE), doté de 150Mds€ pour financer des investissements dans la base technologique et industrielle européenne de défense. 

AsieEn Chine, les tensions commerciales perturbent l’activité économique. Après un premier trimestre solide, l’activité a faibli en avril, face aux hausses de droits de douane américains. Dans un contexte de fortes incertitudes, les autorités ont annoncé un assouplissement de la politique monétaire. Par le passé, ce type d’intervention s’est toutefois avéré insuffisant pour endiguer la dégradation du secteur immobilier et les pressions déflationnistes. Sur le plan géopolitique, le mois a également été marqué par la montée des tensions entre l’Inde et le Pakistan. Au Japon, le PIB a reculé de 0,2% en glissement trimestriel au premier trimestre, affecté par la dégradation de la balance commerciale. Malgré le maintien d’une inflation vigoureuse (3,5% en avril), la Banque du Japon a maintenu sa politique inchangée, réaffirmant une posture prudente face aux incertitudes commerciales. Pour l’heure, les négociations commerciales avec les Etats-Unis n’ont pas permis d’aboutir à un accord.

 

Sources des données : Datastream, Bloomberg, US Bureau of Labor Statistics, US Bureau of Economic Analysis, Office for National Statistics, Eurostat, BCE, S&P Global, Statistics Bureau of Japan, Japan Cabinet Office, National Bureau of Statistics of China. 

Rédigé par :

Louis MARTIN

Chargé d'Etudes Macro-Economiques

3 juin 2025