Flash marchés
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Fort recul des marchés financiers sur fond de crise russo-ukrainienne, un recul anticipé et des portefeuilles prêts à saisir les opportunités.
Si vous nous suivez à travers nos Perspectives Economiques et Financières (PEF), vous aurez noté notre attachement à ne jamais omettre de citer la Russie dans nos travaux de compréhension du monde dont la géopolitique est un élément central. Nous l’avions qualifié début 2019 de « challenger » d’un monde partagé entre les deux pôles américains et chinois. Un monde que nous décrivons depuis des années comme moins coopératif et plus conflictuel, une tendance exacerbée par 2 ans de pandémie.
Il faut préciser que les dernières décisions du pouvoir politique russe vis-à-vis de son voisin ukrainien ramènent l’attention du monde, du pivot pacifique vers le centre de l’Europe. Et, au-delà des digressions sur la non reconnaissance de l’Ukraine comme Nation historique et la volonté du Kremlin de rassembler les terres russes, on peut souligner le retour d’une certaine « régionalisation » des tensions à l’image de la remise en cause du multilatéralisme (autre élément essentiel de nos observations géoéconomiques depuis 2009) dans les relations économiques et financières.
Quels sont les enjeux de cette reconnaissance des deux républiques autoproclamées du Donbass ? Un fait : la Russie est un partenaire commercial plus important pour l’Union européenne que pour les Etats-Unis. C’est d’abord une réalité sur le plan des flux commerciaux. Et ces liens sont croissants en fonction de la proximité géographique avec la Russie (en 2020, 1.1% des échanges de la France, 1.8% de l’Allemagne… 10% des pays baltes). Une réalité, aussi, sur le plan des engagements des banques : 90Md $ pour les établissements européens dont 32Md $ pour les français vs 25Md $ pour les américains. Mais c’est surtout sur le plan de l’approvisionnement en énergie que la dépendance de l’Europe est criante. Pour exemple, la Russie pourvoit les besoins d’importations de l’Union européenne à hauteur de 45% de son charbon, 40% de son gaz et 23% de son pétrole. Ainsi, cette dépendance à l’offre russe fait peser sur de nombreuses industries un risque de perte de valeur ajoutée en cas de coupures soudaines. Enfin, la Russie est un producteur essentiel de palladium (nécessaire aux pots catalytiques) et de titane (utilisé dans l’industrie aéronautique).
Tout embargo sur les productions russes posera la question de son remplacement et de son prix. Un enjeu à l’heure des volontés de transition énergétique. Une tension déjà reportée sur les cours des marchés européens avec un contrat sur le gaz en hausse de plus de 50% sur les 3 derniers jours.
Dans le même temps, les grands indices boursiers se sont montrés ces derniers jours peu sensibles à l’impuissance de l’Union européenne et des Etats-Unis à contrer la mission russe de « maintien de la paix »... imaginant peut-être que cela reporterait la normalisation des politiques des banques centrales et oubliant qu’elles ont la responsabilité de la stabilité des prix. Mais ce matin, les marchés baissent fortement avec les premiers éléments d’une guerre qui n’est pas que d’influence. Une baisse qui ne s’accompagne pas d’un effondrement des taux de rendement des obligations, signe que les marchés sont dans le brouillard quant aux intentions des banques centrales. En effet, après avoir enfin compris que les pressions inflationnistes n’étaient pas temporaires, celles-ci auront du mal à apporter une réponse monétaire (à travers la poursuite de leurs mesures anormales prises depuis plusieurs années) à une crise géopolitique alors même que cette dernière va encore renforcer ces mêmes pressions inflationnistes.
Le portefeuille de l’actif général a diminué sensiblement son risque actions tout au long de l’année 2021, et encore plus dès les premiers jours de l’année 2022. Les fonds profilés sont sur les bornes basses d’expositions actions et les OPC avaient constitué des volants de liquidité. Enfin, disposant de liquidités suffisantes, le portefeuille obligataire est paré à toute hausse de taux.
Autant d’actions qui devraient permettre aujourd’hui d’amortir ce mouvement violent. Elles devraient aussi nous mettre en situation de saisir des opportunités de long terme dans ce monde de plus en plus conflictuel.
Rédigé par
Ghislaine BAILLY
Présidente de Covéa Finance
et
Francis JAISSON
Directeur Général Délégué en charge de l’ensemble des Gestions, de la Commercialisation, de la Négociation et de l’ensemble des Recherches
Le 24 février 2022