"Le regard du gérant" - Les enjeux politiques toujours plus présents au sein du secteur des semiconducteurs
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Les dernières nouvelles concernant le secteur des semiconducteurs témoignent de l'importance d’intégrer les risques politiques dans ce secteur si stratégique.
En effet, le gouvernement américain envisage de convertir les subventions du Chips Act perçues par Intel en une prise de participation à hauteur de 10% du capital. Concrètement, les aides publiques se transformeraient ainsi en capital, entrainant une dilution conséquente pour les actionnaires historiques. Intel connaît des pertes importantes, des retards dans ses projets et ainsi, l’appui du gouvernement pourrait permettre de relancer cet ancien champion en perte de vitesse (par le biais potentiel de commandes contraintes d’autres acteurs à Intel, de commandes spéciales de l’Etat désormais actionnaire…). Sur le plan politique, cette démarche suscite des alliances inattendues. Le sénateur Bernie Sanders a en effet soutenu la proposition de M. Trump sur le principe. Les investisseurs spéculent désormais sur le fait que Samsung et TSMC, voire plus largement tous les bénéficiaires du Chips Act puissent eux aussi être la cible d’une prise de participation étatique, marquant un tournant où la technologie ne serait plus uniquement portée par des actionnaires privés.
Un retour en force du politique dans la conduite de la stratégie des entreprises ne serait donc pas à exclure, avec des risques conséquents sur les sujets d’allocation de capital, d’autant pour les groupes internationaux. Nul doute que ces derniers tenteront d’écarter le risque d’une transformation des aides publiques en capitaux propres au bénéfice de l’état américain, ce qui, in fine, pourrait toutefois créer de réelles distorsions de concurrence (allocation et coût du capital, orientation de la commande publique…). Récemment aussi, la politique a impacté directement les ventes de Nvidia en Chine. En échange d’une autorisation d’exportation de ses puces d’intelligence artificielle H20, Nvidia a accepté de verser 15% de ses revenus générés sur le sol chinois à l’État américain, transformant des exportations jugées stratégiques en leviers de revenu public. Ainsi, comme souvent décrit dans nos Perspectives Economiques et Financières, le secteur des semiconducteurs est au coeur des enjeux de souveraineté, avec un interventionnisme étatique de plus en plus prégnant pour les dirigeants et leurs modèles d’affaires.
Rédigé par :

Kenn GAGNON
Responsable d’équipe Gestion Actions Asie